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Apprendre à s’ennuyer ?

12 décembre 2021
Apprendre à s’ennuyer ?

Voici des phrases qu’on entend souvent en parentalité :

C’est important de savoir s’ennuyer.

Les enfants ont besoin d’apprendre à s’ennuyer.

L’ennui est une bonne chose pour la créativité.

Etc…

Derrière cette idée, et selon sa formulation, il se cache des choses intéressantes à creuser.

Ma réaction face aux expressions d’ennui de mes enfants

Personnellement, en tant que maman, cette idée de l’ennui comme apprentissage nécessaire et important m’a souvent interpellée, et m’interpelle encore.Les « Mamaaaaaan je n’ennuiiiiie ! » et autres « Persoooonne ne joue avec moi, persoooonne ne s’occupe de moi », interjections très fréquentes dans ma famille, ont souvent un mélange des effets suivants sur moi :

– Les « chouinements » m’agacent ;

– Je me sens coupable de ne pas être plus disponible (physiquement et/ou émotionnellement), et cela est exacerbé par mon exigence intérieure, nourrie de modèles idéaux de parentalité qui m’inspirent, mais que je n’arrive évidemment pas à tout instant à atteindre ;

– Je me révolte intérieurement de me sentir forcée à jouer avec eux, d’être la seule adulte du moment censée répondre à leurs attentes enfantines (et je projette cette colère sur tout un tas de choses à ma disposition mentale, à savoir mon conjoint, le modèle de société de famille nucléaire que je n’arrive pas à dépasser et qui m’oppresse, et, hélas, mes enfants eux-mêmes) ;

– Je panique d’avoir raté quelque chose dans leur éducation, à les voir tourner en rond sans savoir comment dépasser leur ennui autrement qu’en réclamant des écrans, qu’en provoquant des disputes dans la fratrie, ou qu’en exprimant beaucoup de négativité.

Je me dis qu’il serait pratique d’étouffer toutes ces émotions derrière une croyance toute fait comme « les enfants ont besoin d’apprendre à s’ennuyer », pour ne pas prendre le temps d’accueillir à la fois leurs émotions face à ce qu’ils expriment comme de l’ennui, et mes propres émotions réactivées.

Sauf que moi, les émotions, j’aime les accueillir comme des signaux de quelque chose.

L’ennui, une émotion ?

Ce qui m’aide beaucoup, c’est de voir l’ennui comme une émotion, c’est-à-dire comme l’expression d’un besoin. Derrière l’ennui, et toutes les émotions désagréables qui vont avec (agacement, tristesse, frustration, etc.), il y a des besoins.

Avec cette vision, je me sens plus apte, en tant que parent, à aider mes enfants à accueillir l’ennui comme une émotion, de la même manière que je les accompagne pour accueillir leurs autres émotions. D’abord, l’écoute, l’accueil, la validation, la reformulation, l’identification : « ah, tu t’ennuies, oh mince, c’est vraiment désagréable de s’ennuyer, tu aimerais avoir quelqu’un pour jouer avec toi, tu ne sais pas comment t’occuper, tu aurais besoin de… quoi ? »

Mais je ne cherche pas à étouffer systématiquement l’émotion-ennui par de la distraction, en leur proposant une façon toute faite de faire taire l’ennui. Je ne prends plus en charge leur ennui comme ma responsabilité, ce que j’ai très souvent fait par le passé.

Ce n’est pas une vérité, ça dépend des fois, il n’y a rien de « mal » à proposer une activité à un enfant qui s’ennuie, hein. L’ennui n’est peut-être que l’expression d’un besoin de se défouler, de s’amuser, etc., mais avec une difficulté à trouver les ressources pour le faire… Et dans ce cas-là, on peut aider l’enfant, lui montrer, lui donner des idées, enrichir son imagination de possibilités créatives et ludiques. Dans ce cas, il ne s’agit pas de lui apprendre à s’ennuyer, mais plutôt de lui apprendre à rompre l’ennui, grâce à des ressources extérieures et en développant ses ressources intérieures…

Mais parfois, cet ennui, rien ne semble le combler, même après énumération d’une dizaine d’activités possibles et d’ordinaire réjouissantes. C’est là qu’il est intéressant de vraiment écouter. L’ennui est peut-être juste les prémisses d’une décharge émotionnelle…

À lire aussi : Mon enfant n’est jamais content : la décharge émotionnelle

Derrière cet ennui qui s’exprime, il peut y avoir un besoin de partage et de communion, et les « Maman je m’ennuiiiie » seraient alors des tentatives de connexion, pour se sentir entendu, compris, écouté.

À moins que derrière l’ennui, il y ait une peur de ne pas y arriver, un besoin de soutien, et du coup une tentative d’esquiver les élans créatifs initiaux derrière des « je ne sais pas quoi faire », pour ne pas affronter une peur ?

Ou peut-être un besoin de liberté ? L’expression d’un refus de se voir imposé tel emploi du temps, tel environnement ?

Tout à coup, quand j’appréhende l’ennui de mes enfants comme une émotion, je me sens beaucoup plus sereine pour les accompagner. Je ne me sens plus responsable de leur « bonheur », je ne me sens plus coincée par leurs exigences de les occuper, mais au contraire, je me sens plus outillée pour les aider à trouver leurs propres solutions. Parfois, ça me redonne même l’envie de jouer avec eux. Pas tout le temps, non plus…

Rester dans l’écoute et l’authenticité

Le plus important, et ce n’est pas toujours facile pour moi, étant de ne pas interpréter leur ennui (et de comment ils me l’expriment) à ma sauce de vérités toutes faites, mais d’être dans l’écoute… Pour cela, j’ai besoin de d’abord accueillir ma propre frustration de parent qui n’a pas envie de jouer avec ses enfants, avec authenticité avec moi-même, quitte à l’exprimer sans violence à mes enfants : « Tu t’ennuies, c’est difficile de s’ennuyer, moi aussi je me sens complètement coincée là, je sens que je n’ai pas envie de jouer avec vous, grrrr, je sens que j’ai envie d’être ailleurs, ça me donne envie de crier, de pleurer, ou d’aller sur l’ordinateur pour étouffer cette sensation désagréable, cette absence de joie et d’enthousiasme en moi… »

…et de remuer dans tous les sens pour évacuer tout ça, pour donner une forme, un mouvement, à cet ennui, à cette envie d’être ailleurs.

J’ai parfois l’impression que derrière l’ennui, il y a juste une difficulté, plus ou moins passagère, à accéder à notre propre joie, cette émotion motrice qui nous pousse à jouer, à créer, à nous mettre en mouvement, à nous relier aux autres… Accueillir l’ennui, ce serait alors prendre le temps de s’écouter, de laisser s’exprimer des émotions diverses et variées toutes coincées en nous, de revenir au moment présent, d’aller à la pêche à nos besoins parfois difficiles à identifier. Accueillir ce qu’on a sur le coeur, ne pas étouffer, et ne pas faire semblant de ressentir autre chose que ce que l’on ressent.

Se relier aux besoins et gagner en autonomie émotionnelle

C’est peut-être ça qui se cache derrière le conseil de l’importance d’apprendre aux enfants à s’ennuyer ? Les accompagner à accueillir l’ennui, comme les autres émotions désagréables, pour apprendre à se connecter aux besoins que cela cache, et peu à peu gagner en autonomie pour reconnaitre et suivre sa propre joie…

Je ne sais pas.

Cette façon de voir les choses me plait plus que l’idée qu’il serait « important » de laisser les enfants s’ennuyer, parce que je trouve que c’est prendre le risque de passer à côté d’autres besoins, c’est se priver d’occasions de gagner en autonomie, en responsabilité émotionnelle, dans une posture un peu figée de « en tant qu’adulte, je sais ce qui est mieux pour les enfants »…

Qu’en pensez-vous ?

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Marilyne
Marilyne
2 années il y a

Oui je vois bien le « mamaaaan, j’m’ennuuuuie » et là je demande ce qu’il voudrait faire (rhaa le FAIRE …) et je récolte un « sais paaaaas » alors je propose des choses à faire (rhaaa le Faire !) et je récolte des « naannn » avec force justifications du pourquoi pas ça et pourquoi pas ça. Donc oui allez voir au-delà de l’ennui le besoin caché, ça me parle là derrière mon écran, sans mes enfants. A mettre en pratique après m’être accueillie, aha ! Et puis j’ai aussi le grand, bientôt 12 ans qui a peut de s’ennuyer en permanence à tel point… Lire la suite »