J’ai à la maison un enfant roi. Même si je voulais le plier, je n’y arriverais pas. J’ai essayé, une ou deux fois. Si j’essaie trop fort, il peut casser, je crois.
Quand il commence à fissurer, il détruit tout sur son passage. Et c’est tout son royaume qui s’effondre avec lui.
J’ai longtemps cru que la parentalité bienveillante, ou positive, avait pour finalité des enfants d’un certain type : autonomes, sociables, heureux. Des enfants faciles à aimer pour le reste de la société.
J’en ai passé, des années, à douter de moi.
Jusqu’au jour où j’ai compris que la bienveillance, la parentalité consciente ce n’était pas ça. La bienveillance, c’est s’adapter aux besoins de chacun. Ceux des parents, ceux des enfants, rois ou pas rois. Reste à les comprendre, ces besoins, à les entendre, et à les accepter. Et pour cela, un diagnostic a tout changé.
TSA. Trouble du Spectre de l’Autisme.
Nos enfants ne sont pas des sous-produits de notre éducation. Nous les accompagnons. Nous nous adaptons. Je continuerai de douter, de questionner, de remettre en question, et c’est tant mieux. Mais je le ferai seulement à partir de l’amour, de la connexion, de la joie.
Mon fils ne s’adapte pas au monde comme d’autres savent le faire. Alors, nous nous adaptons à lui. Et le voilà, l’enfant roi. Qui explose quand ça ne lui va pas. Si le trajet de bus ne lui plait pas. Si le lampadaire au bout de la rue ne s’allume pas. Si on a oublié de le prévenir d’un changement qu’on ne remarquait même pas.
Il faudrait mieux lui enseigner la frustration, c’est ça ?
Cette différence ne se voit pas. Ou peut-être avec des imageries cérébrales, mais nous ne sommes pas allés jusque-là. Les tests génétiques n’ont rien décelé, mais qu’est-ce que ça aurait changé ? Mon fils parle, il nous regarde dans les yeux, il se se balance pas. L’autisme, ce n’est pas toujours ce qu’on croit. Je suis passée à côté pendant plus de 4 ans. Moi, sa maman.
Nous nous adaptons à lui, et petit à petit, il apprend, ce qui pour d’autres va de soi. Il y aura peut-être des choses qu’il n’apprendra pas. Mais trop s’y attarder, ce serait oublier les merveilles de son individualité.
Se faire des amis, pour l’instant, il ne sait pas. Mais il a son frère, son père, ses cousins, sa famille, ses amis (qu’il ne remarque peut-être pas), ses accompagnantes à l’école… Et moi, qu’il aime tellement que parfois il m’en lèche le bras. À mon grand désarroi. Je ne supporte pas ça.
On peut m’analyser, me décortiquer : je ne me cache pas.
Moi aussi, mes erreurs et tâtonnements de mère, je les perçois.
J’avoue tout, et je ris beaucoup de moi.
Je trouve ça très drôle.
Si drôle !
Je vois le monde comme un immense terrain d’amour et d’ironie.
Chacun a une vision du monde qui lui appartient, et la mienne est ainsi.
Fluctuante, aussi.
Celle de mon fils est en pleine construction, et je ne vais pas vous faire croire que j’ai tout compris.
Je me suis souvent effondrée, en cachette ou pas.
C’est trop facile de juger quand on ne sait pas. Je le sais bien puisque je l’ai fait, et que ça m’arrive encore parfois.
Ce qu’en disent certains experts ? Vous ne me trouverez pas de côté-là.
Parlez-moi plutôt d’amour, d’espoir, de partage et de foi.
J’ai cet enfant qu’on m’a prédit, un enfant roi. J’aurais aimé les contredire, mais je ne le peux pas. Il fait beaucoup de bruit, il sautille, il s’enfuit, il semble faire la loi, et quand il veut quelque chose il ne lâche pas.
Il ne lâche pas.
Il ne lâche pas.
Il ne lâche pas.
Au lieu de tirer sur la corde pour le faire lâcher, je le rejoins de son côté. Si je ne suis pas trop fatiguée. Et on se réjouit ensemble de s’être retrouvés.
Mon fils est un enfant roi.
Comme tous les enfants devraient l’être, je crois.
C’est juste qu’avec lui, il n’y a pas le choix.
J’ai écrit ce texte pour la journée nationale du syndrome d’Asperger, le 18 février chaque année en France (le 18 février est également la date d’anniversaire de Hans Asperger, le docteur autrichien qui a pour la première fois décrit ce trouble). Le syndrome d’Asperger est une forme d’autisme sans retard de langage ni déficience intellectuelle. Le terme de « syndrome d’Asperger » n’est officiellement plus utilisé dans la nomenclature et lors des diagnostics, mais il continue d’être utilisé de manière informelle, notamment entre parents, et par les autistes Asperger eux-mêmes.
La journée mondiale de sensibilisation à l’autisme est le 2 avril, et se prolonge en général pendant tout le mois. J’ai plusieurs vidéos de sensibilisation et de réflexion prévues sur le sujet en avril, vous pouvez vous abonner à ma newsletter si vous ne voulez pas les rater.
A lire aussi, mon précédent article sur le même sujet : TIC TOC TED TSA TDAH/H/H As3,14 TOP-là HPTDR
très bel article touchant…
Merci <3
Bonjour
Mille fois merci pour cet article riche de tout ce qui fait du bien.
Le temps est extrêmement précieux, d’autant plus lorsque 2 enfants très demandeurs en bas âge remplissent le temps plein et les heures supp du job de parent (qui tente d’être) bienveillant.
Alors merci pour tant de générosité, de bienveillance, de persévérance.
Je vais moins culpabiliser de « voler » du temps à mes enfants pour chercher à mieux vivre un quotidien complexe. Et peut être trouver des réponses.
Avec toute ma gratitude et des tas d’encouragements !
Très Respectueusement.
Oui, le temps est précieux, et pourtant, plus que de temps, c’est d’énergie dont j’ai souvent le plus besoin… Et partager sur ce blog me donne beaucoup d’énergie. Merci beaucoup pour ces encouragements que je prends avec beaucoup de joie !
Merci pour cet article !
J’ai moi aussi un enfant « atypique » ! On m’a d’abord dit qu’il était HP et maintenant on me parle de TSA ! Je ne sais pas encore « pourquoi » mon enfant est comme il est mais une chose est sûre c’est que je suis obligée de faire un peu comme vous et que l’on pourrait également dire de lui qu’il est un enfant roi … Ça fait du bien de voir que l’on est pas seule dans ce cas ;)
Merci pour votre témoignage ! Je ne sais pas si on aura des « pourquoi » un jour, mais on s’adapte, et c’est peut-être le plus important… Même si l’envie de jeter l’éponge est fréquente :-/ Et savoir qu’on n’est pas seule, oui, c’est juste essentiel en fait, de savoir qu’on n’est pas les seules avec nos difficultés, et aussi que des accompagnements, du soutien, existent pour nous :-)
Wouah, merci, cet article me touche vraiment, en plein questionnement par rapport à ma fille à ce sujet, je m’y reconnais complètement!
Merci <3 Je vous souhaite des questionnements fructueux et porteurs de beaucoup de soutien et de réponses :-)
Merci! En ce moment je suis en craquage de me « plier » à ses besoins : attendre pour chaque geste ou demande du quotidien, mettre l’environnement propice etc… Et le stress que génère le regard de la société, même s’il n’a pas de mauvaises intentions… On a besoin de rappel pour nous remettre dans la bonne dynamique même si on le sait et qu’on passe son temps à en trouver des clés… L’amour est très exigeant et n’est pas toujours fluide et il est parfois difficile de discerner la frontière entre les besoins réels et le bon sens. Mais nous savons… Lire la suite »
Merci ! Oui, le stress, l’exigence… et nous faisons de notre mieux, même si parfois c’est tout pourri, même si faire la part des choses n’est pas toujours facile… Namasté !
Bonjour,
Merci pour cet article,
J’entame actuellement une démarche diagnostique pour mon fils de bientôt 9 ans et et effectivement on nous perçoit ainsi, je ne m’en rendais pas compte mais on m’a justement dit avant hier que je passais tout à mon fils ce qui est loin d’être le cas.
Mais étant donné que je prends en compte ces particularités (la plupart du temps) il passe pour un enfant toi…
C’est fou ce que les gens ne se pausent pas de questions… ils restent borné c’est vraiment désespérant…
Bonne journee
Merci pour le témoignage ! Ils ne réalisent pas je crois les frustrations que vivent nos enfants au quotidien, du fait même d’être qui ils sont dans une société et avec un entourage qui ne les comprend peut-être pas, ou pas tout de suite, ou pas encore…
Bravo pour cet article très touchant, je suis sensibilisée à cela même si ma fille est « juste » hypersensible…
Bonsoir,
Je ne commente pas habituellement les articles…mais là, c’est juste le même ressenti, le même vécu, la même période…en cours de diagnostic, le rdv suivant sera pour ma fille, du même âge que votre fils…et pareil…merci, vous n’êtes pas seule! et merci d’ouvrir les portes de l’autisme, d’asperger, pour qu’il ne soit plus si stigmatisé!
Merci <3 Oui, la fin de la stigmatisation, la fin d'une vision psy et éducative limitée... et je fais le chemin à l'intérieur pour moi-même aussi :-)
Bonsoir, Je crois que si j’avais eu un enfant qui suit en gros ce qui est prévu dans les livres et surtout ce que j’ai prévu pour lui, j’aurais eu le sentiment que ça aurait été grâce à moi et non pas par hasard. Et j’aurais eu une bonne dose de condescendance vis à vis des parents dont les enfants ne suivent pas l’Exemple. Heureusement mes enfants ne font pas tout comme dans les livres et pas forcément ce que j’envisage pour eux. Cela m’a ouvert les yeux et même si ce n’est pas toujours simple c’est beaucoup plus enrichissant… Lire la suite »
Exactement, moi aussi j’aurais eu ce sentiment, c’est certain :-)
Et c’est bien plus enrichissant ainsi, pour apprendre à sortir du jugement.
(d’ailleurs c’est pas très spirituel mais ça me fait toujours un peu plaisir quand j’entends un parent dire qu’il s’est mis à galérer avec le 2ème, 3ème ou 4ème enfant, avec des problématiques encore jamais rencontrées chez les premiers enfants, et en découvrant que non, tout n’était pas une question « d’éducation » :-D )
Ouiiii j’adore cette chanson !