On entend souvent qu’un enfant, pour s’épanouir, a besoin de limites, ou encore qu’il a besoin d’un cadre éducatif, et que du coup il faudrait poser des limites à nos enfants pour leur épanouissement.
Je ne suis pas tout à fait d’accord.
Pas un besoin
Les limites, le cadre, ça n’est pas un besoin.
Un enfant n’a pas BESOIN de limites.
Les limites, c’est un moyen, parmi d’autres, de répondre à un besoin que les enfants ont, et qui pour le coup est un besoin réel : le besoin de sécurité.
Effectivement, un enfant a besoin de sécurité pour s’épanouir. Ce besoin de sécurité se traduit pour l’enfant par ne pas avoir à se préoccuper de son intégrité physique en particulier, mais aussi par ne pas être placé face à des responsabilités qui le dépassent… tout en ayant un socle solide de sécurité affective : savoir qu’il est aimé quoi qu’il arrive.
Vous considérez peut-être que c’est un détail sémantique, que c’est jouer avec les mots, mais je pense que les mots sont importants, car ils peuvent traduire une attitude et un positionnement différents vis à vis de l’enfant.
Si on pense qu’un enfant a besoin de limites, on pourra avoir tendance à poser des limites pour le principe de poser des limites, en toute bonne foi, comme si c’était de ces limites dont l’enfant avait besoin. Le risque, c’est de s’éloigner de l’écoute des besoins spécifiques de l’enfant qui s’expriment dans l’instant, et qui n’ont peut-être rien à voir (par exemple peut-être que dans l’instant, il a besoin d’écoute et d’empathie face à une grosse émotion trop difficile pour lui à gérer seul, et que c’est pour ça qu’il est train en d’outrepasser la limite qui consiste à ne pas mordre les mollets de sa mère).
Un enfant a beaucoup de besoins, oups
Un enfant n’a pas QUE besoin de sécurité. Il a de nombreux autres besoins, notamment des besoins affectifs assez conséquents… Fichtre, on ne peut même plus s’affaler sur le canapé en rentrant chez soi le soir, pour regarder son Facebook tranquille, il faut s’en occuper, de ces gosses. Hélas, contrairement à un animal de compagnie, un enfant ne sait pas répondre seul à la plupart de ses besoins.
Moi qui croyais avant d’accoucher qu’un bébé, c’était un peu comme en chat, mais en mieux : il est mignon, tu lui fais des calins, tu le nourris, tout ça, puis tu le poses par terre et il vit sa vie… Autant vous dire que j’ai eu besoin d’une longue période d’ajustement à la réalité pour m’adapter à mon nouveau rôle de mère.
On peut décortiquer l’ensemble des besoins d’un enfant, et constater que les limites, le cadre, la discipline, etc, tout cela constitue à chaque fois un des moyens possibles pour répondre aux besoins d’un enfant. Oui.
Prenons par exemple le besoin de sommeil : en enfant n’a pas BESOIN de se coucher tôt et à heure régulière chaque soir, il n’a pas BESOIN d’une routine. Par contre il a besoin de sommeil, et la routine et le respect des horaires sont des MOYENS de répondre à ce besoin à peu près correctement. Et en passant, cela permet aux adultes qui s’occupent de lui de répondre aussi à leurs propres besoins de sommeil, éventuellement. Lol.
Mais les limites, le cadre, le respect des consignes de sécurité, les contraintes, etc, ne sont pas des BESOINS de l’enfant.
Solidité, fiabilité, responsabilité
L’enfant ne se construit pas grâce à ces limites, il se construit dans une certaine forme d’insouciance, qui n’est possible que si les adultes qui prennent soin de lui occupent pleinement leur rôle de « capitaines de navire » en prenant POUR L’ENFANT les décisions qu’ils considèrent nécessaires pour lui, avec en tête également certaines contraintes extérieures qui ne sont pas du ressort de l’enfant, et parfois pas de son gout.
Au passage, apprendre à s’adapter à ces contraintes extérieures déplaisantes va permettre à l’enfant de construire sa résilience. Tout comme un parent construit mine de rien sa résilience face à la contrainte que représente toutes les responsabilités liées à l’accompagnement d’un enfant (pfffiou, on s’en sort, plus forts et tout fiers de nous d’avoir bravé les enjeux de la parentalité avec autant de brio, oui oui).
Dit autrement : le besoin de sécurité d’un enfant est aussi nourri par la présence à ses côtés d’un adulte responsable, qu’il considère comme un roc solide et fiable (ça tombe bien, c’est typiquement moi, cette définition de roc solide et fiable). Mais pas n’importe quel roc : un roc compréhensif, à l’écoute, et qui fait beaucoup de câlins (ça tombe bien, j’adore la roquette).
Ainsi petit à petit l’enfant peut atteindre l’autonomie, les contraintes évoluent, les limites se déplacent, et la responsabilité de l’enfant grandit, en sécurité. Son besoin de sécurité est respecté, sans empiéter non plus sur ses autres besoins, en particulier ses besoins affectifs.
En plus ça tombe bien, les besoins d’un enfant, c’est hyper facile à comprendre (il suffit de lui enseigner la langue des signes à ses 3 mois et il saura vous exprimer tout comme il faut rapidement), et les parents ont toujours les ressources disponibles pour répondre à ces besoins. Vous voyez, c’est pas si compliqué, la parentalité consciente.
Les limites d’autrui
Outre les besoins de sécurité physique et affective de mes enfants, et les limites associées pour y répondre (le fameux cadre), il se trouve qu’en tant que maman, j’ai moi aussi des limites. Lolilol. Hahaha. XPTDR. Punaise qu’est-ce qu’on se marre.
Par ailleurs, mon fils ainé n’est pas hyper branché théorie de l’esprit (capacité « naturelle » à se mettre à la place de l’autre et à comprendre qu’il a ses propres ressentis), et je ne suis pas non plus en reste avec l’expression un chouïa véhémente des émotions du petit frère.
J’ai donc, au fil des années (et des effondrements divers et variés, lol hahaha), appris non pas à poser des limites, mais à EXPRIMER mes limites.
Je répète : je ne pose pas mes limites, j’exprime mes limites.
En plus, en tant que femme cyclique au caractère potentiellement imprévisible, mes limites ne sont pas toujours les mêmes. Parfois, je trouve ça cool de courir à 4 pattes pendant deux heures à travers le salon, miaou, on dirait qu’on était des chats (comme quoi, il y avait une part de vrai dans mes fantasmes maternels). Et parfois… non. Lol. MDR.
Parfois, mes limites, c’est : NE ME TOUCHEZ PAS ! (expression de mon besoin de calme et d’harmonie dans l’instant, bien sûr).
Et ça, la fluctuation et parfois imprévisibilité de mes limites, et bien, il va falloir faire avec, hein. Hihihi. (au moins le temps que j’aie fini de travailler sur moi pour en faire profiter mes petits-enfants)
N’est-ce pas merveilleux ?
Tout ce processus d’apprendre à exprimer mes limites est merveilleux pour deux raisons.
Premièrement, pour exprimer mes limites, il a bien fallu que j’apprenne à ECOUTER mes limites. Ce qui revient en fait à écouter mes besoins, pour aller les nourrir d’une manière ou d’une autre… et rarement par le biais de mes enfants (voir plus haut le paragraphe sur le fait de ne pas donner aux enfants des responsabilités en décalage avec leurs ressources). Et ça n’allait pas de soi, cette histoire d’écoute de soi, au départ. Work in progress.
Deuxièmement, en exprimant à mes enfants mes limites plutôt qu’en leur imposant des limites plus ou moins arbitrairement sorties de mes conditionnements antérieurs par répétition de ma propre enfance, ou de ce que j’ai compris mentalement de ce qu’il faut que je fasse pour être une bonne mère sinon aaaaaah ils vont rater leur vie devenir méchants et ce sera ma faute j’aurais mieux fait de m’en tenir aux chats… Bref, en exprimant mes limites dans le respect de mes besoins, j’ai l’espoir d’enseigner à mes enfants à le faire eux-mêmes, écouter et exprimer leurs propres besoins et limites qui vont avec.
Souvenez-vous que les enfants apprennent par imitation.
Oui, j’ai la prétention de penser qu’en exprimant mes limites plutôt qu’en posant des limites, je constitue pour mes enfants un modèle de respect. Tout à fait.
Non pas respect de l’autorité, mais respect des limites de chacun, en commençant par le respect de l’intégrité d’autrui et de soi-même.
En plus, contrairement au fait de « poser » des limites à mes enfants selon un schéma mental sorti de je-ne-sais-où (a priori d’un coin vaseux de ma mémoire et de mes conditionnements), leur exprimer mes limites peut se faire à partir d’un espace où la relation avec eux n’est pas coupée.
J’ai aussi l’espoir que ça leur enseigne l’empathie en passant… Ou que ça cultive leur empathie, puisqu’il parait que c’est inné, ce truc. Il parait. Je ne suis pas hyper convaincue que la jolie phrase « tous les enfants sont naturellement empathiques » soit bien compatible avec l’autre jolie phrase « tous les enfants sont différents », enfin disons que je flaire une légère arnaque dans cette histoire, mais à ce stade, je vais arrêter de faire comme si j’avais tout compris à cette histoire d’empathie, et me contenter de cultiver la mienne. Y compris l’empathie envers moi-même.
Ceci dit, il arrive fréquemment que mon modèle d’autorité respectueuse et empathique se casse un peu la figure aux alentours du brossage des dents… Mais j’ai beaucoup d’empathie envers moi-même, alors ça passe.
PS : évidemment, l’intégralité de cet article n’engage que moi, je l’ai écrit comme une invitation à poser un autre regard sur certaines injonctions à « poser des limites » et certains débats un peu inutiles à mon humble avis sur la question. Encore une fois, ne venez pas vérifier chez moi comment ça se passe concrètement… ou du moins ne venez pas quand je suis en plein syndrome prémenstruel et que le papa est en voyage d’affaires, le bougre, lolilol. Bisous bisous
Remerciements
Pour conclure je voudrais remercier Isabelle Padovani, qui à travers toutes ses vidéos sur internet, a beaucoup influencé depuis des années ma compréhension de mes besoins, de leur accueil et de leur expression. C’est elle qui m’a inspiré cet article, et beaucoup de ce que j’exprime ici à ma sauce est issu de ses propres partages sur le sujet des « limites » (en particulier le fait d’exprimer ses limites plutôt que de les poser, qui fut une véritable révélation pour moi).
Son livre sort le 25 février prochain (2020) et je ne manquerai pas de le lire !
Et je remercie encore une fois l’auteure américaine Susan Stiffelman (dont j’ai déjà parlé dans ma vidéo sur la frustration), grâce à qui j’ai énormément évolué dans ma parentalité, en particulier dans les notions de responsabilité, et à qui j’ai emprunté la notion de « capitaine de navire ». Je vous recommande vraiment ses livres, dont le deuxième est traduit en français : L’art d’être un parent présent. Préfacé par Eckart Tolle et recommandé par Maman Très Spirituelle (les 2 recommandations à mettre au même niveau de conscience, hum hum, tout à fait), et en plus il existe en poche… n’hésitez plus.
Oh la la génial, vraiment ! Je n’arrivais pas à mettre correctement un « cadre » à ma fille… et j’ai le sentiment maintenant de savoir pourquoi… je crois que la plupart des limites qu’on donne « pour paraître bon parent » ne me correspondent pas. Et je sens que je vais trouver mon meilleur chemin de cette possibilité d’exprimer mes limites, rien que de lire cette différence à fait une différence en moi (ça veut pas dire que c’est facile à changer, une habitude etc, maiiiiiiiiiiiiiis ! Puisque tout est possible…). On m’a toujours dit que c’était important de toujours dire la même… Lire la suite »
La vie est par définition… vivante :-)
Je suis super heureuse si j’ai pu contribuer ! <3
Bonjour je trouve votre récit très pertinent et je vous rejoint totalement.merci
C’est du bon sens, en fait, si on prend quelques instants de recul par rapport à certains de nos conditionnements :-)
J’adore. J’adore vous écouter, et là même en lisant j’entends votre petit ton qui me fait rire
Et pourtant ce sujet n’est pas drôle en soi, en tant que parent désireux de faire au mieux pour sa progéniture, cette histoire de cadre et de limite est souvent au centre de l’action quotidienne… Merci d’avoir amené un peu de légèreté et un autre angle d’approche, merci de nous faire sentir « maman normale » quand on pète un câble…
Merciii ! Haha ça ne m’étonne pas que vous entendiez ma voix, j’avais commencé à écrire cet article en pensant que ce serait une vidéo, puis j’ai changé d’avis, plus rapide comme processus ainsi… (Par contre si vous commencez à entendre ma voix à d’autres moments, consultez, car je vous promets que ce n’est pas moi.)
Bonjour,
Ce que vous dites me semble tellement évident et pourtant cela n’avait pas encore traversé ma conscience consciente !
Très inspirant.
Merci merci
☺️
Super ! Mais oui, c’est tellement génial quand notre conscience s’agrandit et que notre regard change sur certaines petites choses… Yapuka appliquer ça au quotidien, ce qui est une autre histoire, mais déjà un changement de regard ça change beaucoup…
Cet article est pile ce qui me fallait au moment où je me posais 36000 questions ;)
Et cela résonne beaucoup ! Merci pour ces partages de lectures et merci pour ces petites notes d’humour!
Ce n’est tellement pas évident quand nous n’avons pas été habitués à regarder au dedans et d’exprimer tout cela. Il n’y a plus qu’à ! C’est en chemin
C’est sûr, ce n’est pas évident, j’ai beaucoup progressé grâce à ce que d’autres ont pu partager sur internet ou dans des livres, alors si je peux partager quelques bouts de mes reflexions, et que ça contribue un peu, j’en suis ravie <3
Merciiiii ! Oui apprendre à respecter ses limites c’est tout un art. Et je me dis aussi qu’en leur montrant comment kon fait, et bien, ils sauront peut-être (j’espère) le faire avant l’âge auquel a su le faire leur maman …
Oui, espérons ! Ça ne devrait pas être si difficile de faire mieux que moi, je me dis, des fois :-D
Mais oui c’est exactement ça ! Mon sympathique conjoint me reproche de ne pas être d’humeur égale avec notre fille, car oui, parfois je suis patiente et passe des heures à faire la voix de Grosse-Poupée, et parfois j’ai envie d’accélérer le fameux brossage de dents, ou d’interrompre la tétée impromptue de 2h du mat et je hurle (elle a 3 ans et demi, pauvre nourrisson). Et que cet aspect imprévisible va faire d’elle une psychotique. Je répondais de manière peu claire que je suis humaine avec des limites et qu’elle doit l’apprendre, mes explications seront peut-être plus précise la… Lire la suite »
Mais comment est-il possible d’être d’humeur égale à chaque instant ? La vie, c’est le changement :-) Quel la sécurité des enfants passe par une certaine prédictibilité et une certaine stabilité, oui, mais alors être d’humeur égale, je vois pas ;-)
Bonjour
Une connaissance a posté votre article sur son FB.
Merci j’adore.
En fait c’est quasi exactement ce que j’infuse / diffuse.
Quand je lis et entends ce fameux « poser des limites », je souris!
Et merci car je peux diffuser autour de moi une autre vous que la mienne, d’une femme en chemin en toute simplicité et qui a de l’humour!
Car il y en a beaucoup qui se prenne au sérieux et en perdent la joue .
Belle journée
Caroline
Merci ! Oui, simplicité et humour, j’essaie, j’y aspire, c’est plus léger ainsi :-)
Enfin!!!… quelqu’un qui pense comme moi! Merci! Je me sens moins seule! Je suis en ce moment en pleines recherches concernant le haut potentiel de ma fille de 4 ans et je n’en peu plus de tous ces discours de psy qui disent que les HP encore plus que les autres ont besoin d’un cadre ferme, de limites y compris autoritaires… Ils n’ont décidément rien compris! Ils ont besoin de cohérence, d’autonomie, de sécurité, et d’amour inconditionnel! Et pour moi rien de plus cohérent que ce que vous dites, des limites qui sont l’expression de nos limites de parents, fluctuantes… Lire la suite »
<3 Merci ! Mais oui, pour avoir un garçon autiste, et avoir lu encore et encore qu'il avait besoin de prédictibilité, et moi-même l'avoir répété... finalement, je dis non, encore : il a besoin de sécurité, et le manque de prédictibilité l'insécurise certes, donc travaillons là-dessus... Adaptons l'environnement oui. Mais la flexibilité, ça s'apprend aussi, en s'adaptant aux besoin de chacun :-) Ah, mais c'est pas simple...
Je suis maman solo de THP:plutot calme mais avec beaucoup d’humour ( ultra necessaire dans la vie!). Tout à fait ok avec maman tres spirituelle. J’ai toujours appliqué: aujourd’hui je suis crevée ou pas dispo ( j’explique) et je vous demande de…( faire ce que je demande ! Lol) car je n’ai plus de patience… Mon sac à patience est vide . Etc.: ça déculpabilise aussi l’enfant : ce n’est pas de sa faute si aujourd’hui je n’ai pas de patience et peux m’énerver ! Les enfants sont merveilleux et comprennent de suite. Ça c’était avec mes grandes .(2 HP)… Lire la suite »
Merci pour ce témoignage !
Oui, connaitre ses besoins (et s’il le faut, apprendre à les connaitre), écouter nos émotions, savoir se ressourcer… Sans ça, pas possible :-)
Bonjour. En fait vous ne voulez pas appeler un chat un chat. Ce que vous appelez contraintes désagréables ce sont bel et bien des limites qu’on doit poser à son enfant. remettre en cause les limites que l’on aurait inventées pour la forme et qui n’ont aucun sens pourquoi pas mais comment appelez-vous quand mes fils veulent jouer au ballon en appartement le soir ? Ne faut-il pas leur poser des limites ? Ok c est super les gars vous savez très bien jouer au foot votre nouveau ballon est génial on remettra ça à un moment plus propice et… Lire la suite »
Bonjour, oui c’est peut-être juste une question de sémantique. Mes fils jouent souvent au ballon le soir dans le salon, quand ça me dérange à cause du bruit ou de l’agitation, je leur exprime mes limites, quitte à leur demander d’arrêter, d’aller ailleurs, ou moi je pars si j’ai besoin de tranquilité, ou je mets un casque antibruit si j’ai besoin de moins de bruit. Si je trouve ça trop bruyant pour les voisins je leur dis que c’est trop bruyant pour les voisins. Donc c’est ça les limites : exprimer les conséquences de leurs comportements sur les autres, exprimer… Lire la suite »